Nous voila sur la seconde partie de notre voyage. C'est quoi le plan ? Nous partons direction Karakul, 180kms au nord, avec pour idée de partir en trek dans les montagnes, une traversée des Pamirs sur une semaine, à l'ouest j'entends. Ok, préparation des sacs, provision de bouffe et cheking du matos montagne, puis nous nous payons un taxi pour partir direct.




Fin d'après midi, nous quittons la route principale 20kms avant Karakul et la Gigouli nous avance de 15 bornes sur une piste. Nous tombons sur une dizaine de moutons de Marco Polo, qui ne resteront pas longtemps. La bagnole nous laisse, nous voila seuls... mais quand je regarde mes pieds et les orteils qui sortent de mes claquettes, je me dis : "Oh tabarnak, mes godasses, elles sont où? réponse : sous le siége passager de la Gigouli qui s'éloigne".

Le moment est fou, je commence à courir comme un dératé, je monte sur une petite colline, le souffle à 10, pour voir juste un nuage de poussière au loin... Aie aie aie, je reviens bredouille vers Axel. On se regarde. Est-ce que c'est jouable de partir en claquettes, avec des passages de cols à 4900 plein de neige ? à mon avis, je risque d'être emmerdé pour les crampons.



Dégoûtés, nous commençons une marche de 3 heures pour revenir vers la route principale, à la recherche de la Gigouli. Peut être que le gars va rester à Karakul cette nuit ? aller vers le poste de police à l'entrée du bled n'est pas mal, on pourra nous dire si cette bagnole est repartie direct sur Murghab ou non ? Le gars a peut être tracé aussi, sans passage à Karakul, et il est déjà loin maintenant ? Bref, nous allons nous poser sur la route et nous verrons avec les véhicules qui passent.

Grosse marche qui nous nique pas mal, mais nous sommes à la route juste avant la nuit. 1/2 heure plus tard, une bagnole qui passe, direction Murghab, aucun renseignement. Les phares d'un camion ensuite.. et il y a d'autres phares derrière : c'est la Gigouli. Je saute sur la bagnole, j'embrasse le gars qui ne comprend rien, je passe la main sous le siége passager et je brandis au ciel mes godasses de marche. Hahaha, tu vas t'en souvenir de cette histoire Morisse, toi aussi Axel.



Dodo en tente, il neige 5 centimètres pendant la nuit. Le lendemain, nous remettons en cause notre trek, surtout avec l'expérience de notre marche hier soir : nous sommes beaucoup trop lourd, en tous cas pour partir sur des cols. Ok, nous mettons une croix sur notre premier itinéraire, qui étais d'ailleurs peut être un peu osé si tôt dans la saison. Le plan est alors de se faire les 100 kms de piste qui traversent les montagnes pour rejoindre la vallée de Bartang et Barchadiev et il restera 150kms où il y a des villages et probablement un peu de circulation (pour indication, cela retombe ensuite à Rushan, 60 kms après Khorog). Bref, 100kms à pied, plutôt du plat, nous estimons 5 jours de traversée. Le plan est sympa et l'ambiance reste la. Tant pis pour le gros gros trip vers la rivière Muksu...



Première journée

Nous nous retapons les 15 kms bien connus, et nous continuons sur 5kms pour aller trouver un enclos à bétail tout en pierre. Nous calons la tente ici, excellent, nous sommes aux anges. Bonne bouffe et tout, et super motivés pour la suite du trip.

22H, dans la tente, Axel n'est pas bien : un problème au niveau des poumons, genre ça compresse. Merde, c'est un peu inquiétant. La menace de l'œdème pulmonaire est présente a 4000m. Pourtant, cela fait déjà plusieurs jours que nous sommes à haute altitude, pourquoi maintenant ? Aussi, aucun mal à la tête, lucidité au top, bizarre. Cela serait plutôt une douleur musculaire, mais comment en être sûr.


Odème pulmonaire (définition de Doctissimo) : parmi les dangers qui guettent les randonneurs et autres adeptes de haute montagne, l’œdème pulmonaire est sans doute moins spectaculaire que les avalanches, mais beaucoup plus commun. Bien connue des montagnards, cette complication est due à la raréfaction de l'oxygène en altitude. Ce phénomène modifie l’équilibre du sang et entraîne l’accumulation de liquide dans les poumons. Lorsque la montée est trop rapide, l’organisme peine à s’adapter. Se manifestant par une toux et un essoufflement de plus en plus intense (dyspnée), l’œdème peut être fatal si la personne n’est pas redescendue rapidement vers la plaine.


Nous attendons pour voir comment cela évolue. C'est monté d'un petit cran, mais maintenant la douleur est stable. Je vous laisse imaginer l'ambiance dans la tente, on ne sais pas quoi faire. Bon, 23H30, prise de décision : on bouge ! Nous savons qu'il y a une maison avec des bergers a 5-6kms, et nous nous rapprochons du coup de la route, avec retour express sur un âne à négocier si besoin.

Marche de nuit, Axel crache un peu de sang, c'est la fête!! Nous avons laissé la tente et plein d'affaires au camp. Accueil des bergers à 1H du mat : la famille est trop gentille, ambiance à coté du poêle, nous buvons du thé, Axel est moyen. Nous passons la nuit ici, état du malade stable, avec toujours cette compression aux poumons.



Deuxième journée

Excellent de voir les gars s'occuper des 200 moutons, filer chaque petit à sa mère pour le petit dej'. De notre coté, nous retournons au camp. Nous passons la journée sur place, à surveiller l'état d'Axel. Cela ne s'améliore pas, mais n'empire pas non plus. Il se met à neiger le soir, puis nous commençons la nuit. 2H du mat, Axel a la gerbe, coup de speed, le bordel.

Ok, nous discutons sérieusement de l'affaire: nous ne savons pas la cause du mal, peut être que Axel manque juste un peu de physique, hahaha... Bref, nous renonçons au trip. Nous ne sommes qu'à 20 kms de la route principale, il est encore temps de faire demi-tour, car si nous avons un gros soucis à 2 ou 3 jours de marche de la civilisation, c'est un peu risqué.



Nous ne perdons pas de temps et plions le camp en pleine nuit, sous 10 centimètres de neige, grosse ambiance. 4-5 heures de marche, route principale, puis un ZIL qui nous emmène à Karakul. Nuit sur place et le lendemain nous rentrons en marchoutka sur Murghab. Le but étant de quitter les plateaux rapidement et de revenir sur Khorog.

Un marchoutka est un transport local, genre mini bus. Ici, ce sont beaucoup des WAZs. Par ailleurs, un ZIL est un camion, le camion caractéristique des Pamirs si on veut. Ils marchent bien en altitude car moteur essence. Les KAMAZs qui tournent au gazoil ont besoin de plus d'air et ont donc plus de difficultés sur les plateaux.


Nous faisons la route Murghab-Khorog avec une jeep Lada et le soir nous campons à 2000m, gros changement de situation. L'état du malade s'améliore et il n'y aura plus de problème pour la suite. Cela aura probablement été une simple douleur musculaire mais le risque d'avoir un souci au milieu de rien, même infime, étais quand même présent.






Plateaux du Pamir, moyenne de 4000m




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