Le passage frontière est royal, le paysage est magnifique, gros soleil, c'est tout blanc, grosses montagnes. Une clôture sur la gauche marque la frontière chinoise, quelques bungalows ici pour le poste, ambiance de coin paumé et isolé. Ca déchire tout ! et j'arrive à taper quelques photos discrètement.

Les types du poste, policiers et militaires, nous taxent un peu d'essence, comme d'habitude, et ça emmerde toujours les chauffeurs. Déjà que leur job est un vraie aventure, fatigante et galère, cela les fait chier de se faire taxer.. mais pas trop le choix. Des jeunes, qui font leur service militaire ici, rechargent une batterie sur celle du ZIL.

De mon coté, je croise les doigts pour que je puisse entrer dans le pays. J'explique : il y a 2 grosses régions au Tadjikistan : l'ouest avec Dushanbe, la capitale, et l'est où se trouvent les énormes montagnes du Pamir, du début de la chaîne himalayenne. Cette dernière région est considérée comme autonome, et il faut un permis spécial pour y entrer, le permit GBAO (Gorno-Badakhshan Avtonomous Oblast). Et voila, je ne l'ai pas ! J'avais fait une demande à Osh par Internet, mais je n'ai pas attendu la réponse en fait, trop pressé de partir sur la route. Oups.

Bref, ça passe !! les gars ne m'en parlent même pas, je suis trop content, la joie de continuer la route avec le ZIL. Au loin un nuage de poussière est laissé par le premier camion, cette entrée dans les Pamirs est grandiose, je suis heureux là !! La route est nickel ensuite, asphalte et tout, quasiment pas de neige dessus.

Environ 180 kms. Passage par le lac de Karakol, 3915m, arrêt bouffe dans une baraque, troc d'essence avec les locaux, le commerce quoi... sacré ambiance. La nuit arrive, nous repartons. Quelques barrages de police, pour du contrôle,  j'espère que cela passe à chaque fois. Mais en blablatant les gars comme quoi je vais chercher mon permis à Khorog (la principale ville de la province, 300kms après Murghab), ça le fait bien. C'est énorme, et je pense que le fait d'être avec les ZILs m'aident un peu. Je ne sais pas trop en fait, mais la route continue en tous cas.

Passage du col d'Akbaytal, 4655m, au milieu de la nuit, avec le ZIL qui galère. Le chauffeur s'arrête après, et nous nous endormons un peu dans la cabine, mais il fait trop trop froid, presque nous allons geler (bon, j'en rajoute un peu, mais pas chaud quoi). Arrivée à Murghab à 4H du mat. Et ce n'étais pas évident pour le type que j'aille dormir chez lui, mais ça finira comme cela quand même.



Murghab, quasi 3600m, je suis en fait dans la famille de Suut, mon premier chauffeur de ZIL. Excellent. Le matin, je pars direct avec lui vers Alichur, 100kms, pour aller livrer le charbon de la vallée de Sary-Tash. Je suis immergé dans la vie locale d'entrée. De retour le soir, dans la cour d'une maison, ce sont des chargement de peaux de bêtes (moutons et yaks), de bidons et d'autres bricoles. Suut repart sur Osh, avec un autre ZIL. Je suis au cœur du commerce kirghize, et c'est très intéressant.



Remarque : ce sont surtout des kirghizes qui vivent dans cette région. Il y a des tadjiks, mais ce n'est pas la majorité. Bref , pour ma part, je suis encore dans le bain des familles kirghizes.

Le climat est froid et sec, c'est poussiéreux, ambiance spéciale à Murghab. Je verrai quelques yourtes en bord de route, les tentes locales. Des troupeaux de yaks, la rivière au milieu du petit plateau, plutôt du vent, le soleil apparaîtra un peu mais le temps est plutôt couvert, nous ne sommes pas encore au printemps, l'herbe est sèche. Il y a une petite centrale électrique qui donne le courant un jour sur 2.



Dans la famille, le père fabrique des bijoux avec des rubis qu'on trouve dans les montagnes du coin, voir même de l'or. Après, il vend cela au bazar du bourg. Il me dit bien que c'était mieux avant, avec l'URSS, SSR on dit ici. "On avait du travail, de l'électricité, à manger, des moyens quoi.. maintenant c'est la misère !!"


Je reste 3 nuits dans la famille et après je file, obligé en fait : le bordel commence avec mon histoire de permis. Je suis passé à la police, l'OVIR, pour me faire enregistrer dans le pays, il le faut. Bref, mais enregistrement pas possible sans permis, et comment je suis arrive la sans permis ? Je prends un gros soufflon par la meuf qui m'ordonne de partir directement et de régler tout ça à Khorog. Patcho, j'étais à 2 doigts de me faire refouler à la frontière de Kyzyl-Art. Je commence alors à comprendre que c'est un mauvais plan d'être entré sans ce permis.


Encore faudrait-il qu'il y ait des véhicules qui fassent la route. Mais ça va le faire, je tope un gros 4*4 avec des chasseurs. Ces derniers s'occupent des réserves dans la région, et notamment contrôlent les moutons de Marco Polo, de superbes bestioles qui peuvent peser jusqu'a 200Kgs. Il n'en resterait que 9000 dans les Pamirs et c'est une espèce protégée. Autres animaux : léopards des neiges, loups... mais rien n'est dangereux pour l'homme, à moins qu'une meute de loups ne soit affamée bien sûr, et qu'on se trouve à la mauvaise place au mauvais moment.






Route vers Murghab